Les violences gynécologiques et obstétricales (6/6) : que faire ?


violences gynécologiques

Il est très difficile de savoir comment réagir, en fonction des situations comme en fonction de la gravité de ce à quoi l’on est confronté.

Tout d’abord, je pense qu’il est très important de poser en permanence des question : sur ce qu’on nous fait, sur pourquoi on nous le fait, si ça va faire mal, si ça va durer longtemps,… Si l’on ose, il ne faut pas hésiter à dire ce que l’on veut : je préfère telle position pour l’examen, et je refuse le frottis aujourd’hui. Je veux garder mon tee-shirt. Je veux un stérilet, et je ne veux pas que vous utilisiez une pince Pozzi pour me le mettre. Malheureusement, certaines demandes sont plus faciles que d’autres : garder son tee-shirt pourquoi pas, la pince Pozzi risque d’être une condition sine qua non pour certains gynécologues. Lors de l’accouchement, certaines femmes très mal à l’aise sur le dos seront pourtant physiquement forcées à rester dans cette position, et l’épisiotomie leur sera faite en dépit de leurs protestations.

Israël Nisand, président du CNGOF clame : « Je suis surpris d’entendre des femmes qui disent pis que pendre d’un médecin et qui restent chez lui. Quand on a un médecin qui ne convient pas, mon conseil n’est pas d’essayer de changer le médecin, mais d’en changer. » 1 Il faut quand même être sacrément insensible pour se permettre une sortie pareille : une femme qui veut un stérilet ne va pas s’amuser à tenter 9 gynécologues avant de trouver le dixième qui acceptera de lui poser sans pince Pozzi. Une femme en plein accouchement risque fort de se faire attacher si elle essaie de partir à la recherche d’un nouvel obstétricien si là où elle est, on s’obstine à vouloir lui poser une perfusion d’ocytocine. Une femme qui vit dans un désert médical va là où elle peut, elle n’a pas nécessairement envie de faire 200km à chaque rendez-vous. On ne devrait pas demander aux femmes de s’adapter, mais à leur médecins de plus les écouter, les conseiller, les croire. D’être des médecins tout simplement.

Et il est primordial de ne pas blâmer les femmes. Oui, je vous encourage à ne pas vous laisser faire, à protester si un médecin vous met un doigt dans le vagin sans vous le demander, et sans même prévenir. Oui je vous encourage de bien vous renseigner avant l’accouchement pour savoir ce que vous acceptez ou non, et chercher un endroit où votre projet de naissance sera pris en considération. Mais pour autant, je sais bien que ce n’est pas simple pour toutes, et pire encore : que ça ne marche pas pour toutes.

Israël Nisand déclare « qu’on a aujourd’hui des médecins dressés à obéir aux demandes des patientes ». Je ne sais pas dans quel monde il vit, mais il devrait manifestement faire des tournées dans les maternités et cabinets gynécologiques. Il dit également « Dans les faits, il n’y a pratiquement pas de plainte portant sur l’absence de consentement. Cela ne veut pas dire que le consentement est toujours sollicité, mais que les femmes n’utilisent pas les voix judiciaires pour obtenir gain de cause. Il faut qu’elles le fassent davantage. » Là encore, qu’il se renseigne d’avantage : les femmes essaient parfois de porter plainte, mais elle se retrouvent presque toujours face à un Ordre des Médecins qui fait front pour empêcher de reconnaitre les fautes de leurs confrères (cf mon article sur l’IVG, et les médecins qui ont menacé de faire une grève à l’IVG). Et porter plainte coûte cher et prend du temps : toutes ne peuvent pas se le permettre. Quant à reconnaître la justice, voyez donc cette vidéo, où il explique qu’un gynécologue condamné à 1 an de prison avec sursis, et 10 ans d’interdiction de pratiquer la médecine est une peine bien lourde pour un homme « coupable de petites choses, sur le plan du comportement ». Qu’avait fait son confrère ? Oh, rien de bien méchant : il a seulement été reconnu coupable de quatre agressions sexuelles sur ses patientes. Et Israël Nisand déclare que ces femmes ont dû mal comprendre la « gentillesse » de son confrère à leur égard…

Pour terminer, je tiens à souhaiter bonne chance à toutes les femmes victimes de ces violences. Aujourd’hui, nous sommes enfin entendues sur ce sujet – j’attends impatiemment le jour où ces violences seront largement reconnues. D’ici là, merci à toutes celles qui se battent pour la reconnaissances de nos souffrances, et de nos droits. Je tiens un particulier à remercier Marie-Hélène Lahaye pour son blog « Marie accouche là », que j’ai lu en entier avant d’écrire ces articles, et sans laquelle ma pensée sur le sujet ne serait pas telle qu’elle est aujourd’hui.