Les violences gynécologiques et obstétricales (4/6) : l'avortement


violences gynécologiques

Un certain tabou demeure autour de l’avortement : on en parle peu, il continue à être remis en question, et on voit les femmes qui y ont recours comme des écervelées incapables de faire attention à leur contraception. Tout d’abord, quelques chiffres : chaque année, il y a environ 800 000 naissances, et 200 000 IVG 1. Au cours de leur vie, un tiers des femmes avorteront 2. Plutôt que de critiquer ces imbéciles incapables de prendre une pauvre pilule tous les jours, demandons-nous ce qui peut bien se passer.

Premièrement, la pilule ne convient pas à toutes, et toutes les pilules ne conviennent pas à chacune. La pilule ne convient pas à toutes car certaines femmes ont du mal à y penser tous les jours. Or, on a parfois beau le dire à son médecin 3, il arrive qu’il soit borné dans son idée de « la pilule est le seul moyen contraceptif valable pour une jeune fille ». Toutes les pilules ne conviennent pas à chacune car nos corps sont différents : une jeune femme a besoin de plus fortes doses car elle tombe enceinte plus facilement. Une femme qui fume ne pourra pas prendre certaines pilules. Une femme qui a de gros effets secondaires aura plus tendance à arrêter la pilule, d’autant plus si sn gynécologue lui dit de faire un effort, et que c’est dans sa tête 4. Parce qu’une pilule qui coupe toute libido, vous conviendrez que c’est quand même bête. Et puis il y a les médecins qui prescrivent des médicaments sans savoir qu’ils neutralisent l’effet de la pilule. Et puis oublier la pilule une fois peut suffire, or si on compte qu’une femme prend la pilule 21 jours toutes les 4 semaines, toute l’année, pendant 35 ans, ça représente quand même près de 10 000 comprimés. Qui pourrait reprocher à une femme de ne pas l’avoir prise parfaitement 10 000 fois ?!

Alors l’avortement est un passage obligé pour de nombreuses femmes. Plutôt que de devoir élever un enfant pour lequel elles ne sont financièrement ou émotionnellement pas prêtes, ou encore qu’elles ne désirent pas, il vaut mieux interrompre leur grossesse. Cet acte, psychologiquement lourd pour certaines (quand d’autres ont moins de mal à relativiser) peut être rendu plus difficile encore par les personnes qui entourent cet acte.

Il y a d’abord l’entourage proche, et en particulier le père. Comme toutes ces décisions sont féminines (à part le préservatif, tous les moyens contraceptifs sont le soucis de la femme, l’avortement est la décision de la femme, les démarches sont à accomplir par la femme,…) il peut arriver que le père ne soit pas présent. Il peut quitter sa compagne (s’ils étaient ensemble), ne plus lui répondre, la laisser entièrement seule dans cette situation. Il peut lui faire du chantage pour garder le bébé, ou en avorter. Pourtant, si je ne nie pas qu’il peut y avoir tout un panel d’émotions chez l’homme, et qu’il a un lien avec le bébé, la décision finale revient à la mère et elle a besoin d’être entourée. Si le père n’est pas (psychologiquement ou physiquement) présent, elle peut chercher du soutien ailleurs : auprès de sa famille, ou de ses amies. Or, dans une telle situation, nombreux sont ceux qui aiment mettre leur grain de sel et donner leur avis, et trop de conseils peuvent devenir étourdissant pour la femme. Elle peut aussi être dans un cas où son entourage réprouve l’avortement, et elle est seule.

Elle est seule face aux médecins. Ceux qui refusent de lui faire l’acte (mais sans l’avouer vraiment, pour ne pas avoir à rediriger la femme vers un autre praticien, comme la loi l’oblige pourtant). Ceux qui la culpabilisent (vous voulez vraiment tuer votre enfant ?), ceux qui l’engueulent (ben oui mais c’est ce qu’il arrive quand on écarte les cuisses Mademoiselle), ceux qui l’infantilisent (vous le regretterez plus tard. Je vous assure que vous devriez le garder) 5. Il est considéré comme naturel que la femme s’occupe du moyen de contraception ET des problèmes qui en découlent souvent à l’échelle d’une vie.

Près de 45 années sont passées depuis la loi Weil, pourtant certaines personnes d’extrême droite parlent encore de dérembourser les IVG « de confort » (comprenez quand vous avez eu la chance de ne pas vous faire violer, et qu’il n’y a pas de raison médicale à ce geste) 6. Pourtant quand 15 médecins sont attaqués en justice pour faute professionnelle, le Syndicat National des Gynécologues et Obstétriciens de France (SYNGOF) menace de faire une grève d’IVG 7. Pourtant, la secrétaire générale du SYNGOF a décrété qu’elle refusait de donner un arrêt de travail à une femme faisant une IVG « au nom de l’égalité hommes-femmes » (alors que douleurs et saignements peuvent durer plusieurs jours) 8. Il faudrait peut-être lui rappeler qu’un avortement n’est pas une partie de plaisir, et que nous ne demandons pas de congés payés aux Bermudes ! Seulement le droit de souffrir chez soi, dans un cadre intime. Quant à l’égalité homme-femme, nous espérons qu’il s’agit d’une plaisanterie de mauvais goût, mais peut-être devrions-nous aussi nous excuser d’avoir un utérus.

L’avortement est au moins rendu dur par des médecins sans empathie. Pourtant, même quand la grossesse est désirée, le suivi médical peut être compliqué.